Mission encre noire
Émission du 10 octobre 2017
Mission encre noire Tome 21 Chapitre 262 On n'entend plus jouer les enfants d'Allen Côté paru en 2017 aux éditions Annika Parance Éditeur. Un quinqua, auteur à succès de romans noirs, traîne son Volkswagen blues entre le Montréal d'aujourd'hui et le Saguenay des années 70. Il se sent un peu dépassé lorsque la jeune femme qu'il aime veut un enfant de lui. C'est l'occasion de parcourir les chemins de l'enfance. Aux antipodes des aventures de son héros Paulin Dumouchard, aux prises avec Un tireur fou à Toronto et la hantise de la page blanche, l'écrivain s'autorise quelques glissades sur la pente du souvenir, à travers l'écriture de la vie d'Alex, son double désigné. Interné très jeune dans une école religieuse, Alex, un enfant hypersensible, est aussi le prétexte à raconter le Québec en région dans les années 70. Imaginez! Vous venez de descendre de l'autobus. L'église, c'est tous les dimanches pour la messe de onze heures. Vous envisagez de devenir enfant de choeur alors qu'Apollo 11 vient d'achever sa mission. Vous avez 10 ans et vous étouffez dans un uniforme trop serré. Prêt pour le voyage ? Mission encre noire vous propose de rencontrer, ce soir, Allen Côté.
Extrait:«J'ai assez souvent songé à la pertinence de raconter mes tribulations de jeunesse. Il me suffirait de donner corps au récit en le pimentant d'une touche singulière. Des personnes de cette époque m'ont d'ailleurs déjà inspiré les traits de certains protagonistes dans mes romans. Oui, mais à présent, je suis habité par autre chose. Un enfant demande à revivre, un petit veut comprendre une douleur et s'assurer de ne pas la transmettre.»
La force de marcher de Wab Kinew traduit par Caroline Lavoie paru en 2017 aux éditions Mémoire d'Encrier. Wab Kinew, député de Fort Rouge, journaliste et rappeur nous invite en territoire Anishinaabeg à travers le récit poignant de la vie de Tobasonakwut, son père, chef Anishinaabe de la nation Ojiwbé. Survivant des pensionnats autochtones, cet homme aura consacré son existence à se réconcilier avec la société canadienne et les siens. La force de marcher est bien plus qu'un hommage vibrant d'un fils à son père, il s'agit d'une immersion inédite dans un mode de penser et de vivre autochtone. Fascinant !
Extrait:«Quelques jours plus tard, j'étais debout au milieu du cercle. En remuant les orteils, je sentais la chaleur de la peau de bison sur laquelle j'avais posé les pieds, alors que l'homme chargé d'inciser ma peau découpait au scalpel ma poitrine encore dépourvue de toutes ces cicatrices qui marquent tant mes proches. La sensation de la lame est d'abord froide, puis brûlante, à mesure que se découpent des couches de peau. Quand le scalpel est ressorti, l'inciseur a tiré la peau de mes muscles pectoraux, et un autre homme a glissé une cheville d'ébène dans la fente.»
Underground Railroad de Colson Whitehead paru en 2017 aux éditions Albin Michel. Livre très attendu de la rentrée, prix Pulitzer 2017 et National Book Award 2016, Underground Railroad est un roman qui nous fait basculer en 1850. L'Amérique a besoin de main d'oeuvre pour cultiver son coton. Le commerce des esclaves est une entreprise florissante. Cora appartient à une plantation en Georgie. Sa mère est célèbre pour avoir réussi à s'évader en dépit des multiples dangers qui guettent une fugitive. Sa vie va chavirer lorsque Caesar, un esclave arrivé de Virginie, lui propose de s'enfuir vers les États libres du Nord. Colson Whitehead imagine l'existence d'un véritable chemin de fer, métaphore onirique et procédé narratif ingénieux, pour témoigner de la situation des fugitifs qui empruntent le fameux Underground Railroad. Épisode incontournable de l'Histoire américaine, l'auteur nous tient captifs de ses sous-sols nauséabonds.
Extrait:«Évadée, ou convoyée, de la résidence du soussigné, près d'Henderson, le 16 du mois courant, une jeune négresse dénommée MARTHA, propriété du soussignée. Ladite fille est de teint brun foncé, de corps malingre, la langue bien pendue, et d'environ 21 ans d'âge ; elle portait un bonnet de soie noire à plumes, et avait en sa possession deux édredons de calicot. Je crois comprendre qu'elle essaiera de se faire passer pour une affranchie.
RIGDON BANKS
Comté de Granville, 28 août 1839»
Feuille de route
Tous les épisodes
Émission du 27 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 412. Troubles, nos ombres un collectif dirigé par Jennifer Bélanger paru en 2023 aux éditions Triptyque dans la collection Queer. La colère ne se tarit pas dixit l’autrice. De l’élaboration de ce projet à l’été 2020, à son achèvement en 2022, Safia Nolin deviendra la bête noire des réseaux sociaux malgré son récit d’agressions subies de la part de Maripier Morin, la montée de la droite aux États-Unis et celles des conservatismes en général dans le monde, dès lors menace les droits fondamentaux des personnes minorisées. Les textes réunis ici par Jennifer Bélanger offre un espace sécuritaire à 11 artistes non seulement pour témoigner de l’urgence de dire les dangers qui guettent les personnes LGBTQ2IA+, mais également pour nous partager des récits de vie poignants. Qu’il s’agisse d’amitié, de rapports amoureux, de désirs, de colère, de résistance, Étienne Bergeron, Julie Bosman, Marilou Craft, Nicholas Dawson, Martine Delvaux, Sandrine Galand, Maude Lafleur, Mael Maréchal, Roxane Nadeau, Mélanie O’Bomsawin et Justina Uribe se réunissent sous l’ombre lumineuse et créatrice de Jennifer Bélanger, qui est mon invité, ce soir, à Mission encre noire.
Émission du 6 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 411. Mise en forme par Mikella Nicol paru en 2023 aux éditions Le Cheval D’août. À la suite d’une rupture amoureuse encore fraîche et de l’aménagement en catastrophe chez un ami, la narratrice se jette à corps perdu dans l’entraînement physique. Malgré que son corps deviennent de plus en plus performant, la dépression gagne du terrain, il y a toujours quelque chose qui cloche. Ce qui s’impose très vite comme la seule activité encore valable à ses yeux va devenir un sujet de réflexion tenace. Et si, en dépit des injonctions bénéfiques assénées par les vidéos de fitness, les programmes de remises en forme n’étaient que la partie émergée d’une problématique plus vaste. Pour l’autrice l’idée jaillit en croisant un inconnu malveillant dans la rue. Le lien qui unit violence et beauté ne fait plus aucun doute. Ou comment l’industrie du fitness, entre autre, confirme la main mise d'une esthétique patriarcale, coloniale et fossile, sur le discours ambiant, dixit Paul B. Preciado. On peut se demander, ici, comment un tel système, qui vise la soumission collective totale des corps, se met-il en place ? Les femmes en particulier, tels des objets inoffensifs, se doivent de collaborer, bien entendu, à leur corps défendant, à des modèles hétérosexuels astreignants. Ce livre à mi-chemin de l’essai et du récit autobiographique laisse libre court à une parole qui refuse de rentrer dans le moule. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mikella Nicol.
Émission du 23 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 410. Daniel Grenier Héroïnes et tombeaux paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Alexandra Pearson, originaire du Tennessee, lit le New York Times dans cette ville secondaire brésilienne à l’ouest de Porto Alegre : Uruguaiana. Aujourd’hui journaliste, la jeune femme qui avait cheminé aux côté de Françoise dans le roman précédent de l’auteur, part à la recherche, cent ans plus tard, d’un étrange personnage, Ambrose Bierce, auteur du Dictionnaire du diable. Il serait mort fusillé en 1915 au Mexique et réapparu, bien vivant, à des milliers de kilomètres plus loin. Pour cela, elle devra mettre la main sur un manuscrit inédit. Pendant ce temps, comme l’annonce le journal, une certaine Helen Klaben décède à l’âge de 76 ans. Autrefois, elle a fait la Une du Life magazine, le 12 avril 1963, après avoir survécu 49 jours dans le froid du Yukon suite au crash de leur avion le 3 février 1963. Étrange coïncidence, ce nom, lui semble familier. Il lui remémore un souvenir amer, celui de Françoise, cette fille à qui elle n’a fait que mentir. À l’époque elle se faisait appeler Samantha. Dans ce troisième livre qui se veut un hommage à Ernesto Sabato, l’auteur nous entraîne dans un étrange roman d’aventures dans lequel il explore une fois encore le territoire américain et il s’interroge sur la responsabilité de celui qui raconte les histoires des autres. Sur un air de Carioca, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Daniel Grenier.
Émission du 16 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 409. Exercices de joie par Louise Dupré paru en 2023 aux éditions du Noroît. Dernier fascicule du triptyque traitant des possibilités du poétique face à l’horreur et à la détresse entamé avec Plus haut que les flammes en 2010 puis La main hantée en 2016, Exercices de joie présente la poète fébrile, les côtes friables, hantée par des rêves qui la réveillent la nuit. Toutefois Louise Dupré n'abdique pas pour autant. Elle revendique le désir de se tenir debout devant un paysage en ruines quitte à s'accrocher à ses mots comme à une bouée. Car, s'il est peut-être vain de vouloir comprendre l’envers du monde quand le temps fuit entre nos doigts, pourquoi ne pas apprivoiser les douleurs, en oublier la piqûre de l’aiguille. L’écriture, telle une veine fragile qui palpite encore, se mue en écorce revêche, pour combattre en prose et en vers. Si la suie de Birkenau ou de Auschwitz la poursuit encore, si l’ombre de la main coupable du second recueil habite encore les pages, les poèmes explorent ici une autre voie, plus apaisée. Celle de la douceur, celle de la joie, que l'autrice défini comme cet instant précieux et rare ou le cœur module ses élans. Il est du devoir de la poète de donner à voir cette faible clarté bienveillante qui conduit sa main. Certes, le cercle des poètes disparus s’agrandit un peu plus chaque jour, le monde chancelle ; non, elle ne vacillera pas ; l’autrice appartient à la généalogie des femmes qui n’ont jamais renoncé. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Louise Dupré.
Émission du 2 mai 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 408. Le plein d’ordinaire par Étienne Tremblay paru en 2023 aux éditions Les Herbes Rouges. Asti qu’était belle! se dit Mathieu alors qu'il entre dans le Pétro sur le boulevard qui mène vers Longueuil, proche de l’usine Weston. Elle, c’est Val, sa future collègue que l’adolescent de Boucherville va chercher désespérément à séduire. Le futur cégépien est persuadé d’être promis à un grand destin de poète, cela sera-t-il suffisant pour elle? En attendant, il travaille de nuit dans une station-service à distance de vélo de chez lui. Une job parfaite qui lui permet de lire à sa guise, de consommer ses trois gammes de pot, de voler des cigarettes et de manger à volonté. Mathieu illustre à merveille la chronique ordinaire d’un ados de banlieue des années 2000. Une jeunesse qui se mélange, qui se passionne, qui se voit un avenir exceptionnel, qui rêve la vie en grand plutôt qu’à travers le miroir aveugle de l’écran noir d’un cellulaire. Mathieu n’a rien de différent des autres, si ce n’est l’élan que lui procure une sensibilité exacerbée et un certain goût du risque. Des excès qui fatalement se fracasseront contre le mur des réalités. Voici un roman initiatique qui relate l’aventure épisodique, très attachante, d’un jeune homme en quête de lui-même, pris au centre de son univers sensible, près à devenir un autre Mathieu, même s'il ne sait pas très bien encore à quoi cela ressemblera. J’accueille, ce soir à Mission encre noire, Étienne Tremblay.