Mission encre noire
Émission du 12 octobre 2021
Mission encre noire Tome 32 Chapitre 366. Ptoma, Un psy en chute libre par Nicolas Lévesque paru en 2021 aux éditions Varia dans la collection Proses de combat. Depuis 2019 et son précédent livre Phora paru aux éditions Varia, Nicolas Lévesque nous a déjà convié à partager sans langue de bois, le fil de sa pensée. Ptoma en est la suite. La racine grecque de ce mot signifie tomber. Même si l’idée d’arrêter l’écriture avec Phora l’a effleuré, une chose est certaine, et tant mieux pour nous lectrices et lecteurs, l’auteur ne peut se passer de son double écrivain. Selon plusieurs contexte, l'auteur nous invite à perdre pied, à lâcher prise, à faire face à l’imprévu. Au gré de ses interventions, il se livre comme jamais, sur sa pratique, sur le temps qui passe, l'amour, l'art, la pandémie, le Québec, le deuil, le rêve et cela fait du bien. Le tableau La sieste de Jean-François Millet lui sert formidablement d’objet transitionnel, pour ce nouvel exercice de libre parole. Nicolas Lévesque est invité à Mission encre noire.
Extrait:« L'un de mes patients qui préfèrent s'allonger sur le divan a trouvé que le mouvement du mobilier coïncidait avec le changement qui s'opérait en lui:« Ça fait des années que je parle en regardant un mur et là je vois dehors, par la fenêtre, les arbres, le parc, la vie qui m'invite à la rejoindre. Je pense que j'ai fini de me tirer des balles dans le pied, Nicolas. Ça n'aide pas les gens de mon pays que je fonce dans le mur par culpabilité. Ça n'aide pas l'Amérique centrale que je ne devienne pas un modèle, ici, pour d'autres. Je regarde en avant, je vais dehors, je vis ma vie, j'avance et je trace des pistes pour ceux qui arriveront. T'aurais pas pu changer tes meubles de place avant ?»
Pays Barbare par Jérémie McEwen paru en 2021 aux éditions Varia. L’auteur est philosophe et essayiste, il dresse un constat comme on tire un trait définitif: le Québec est gouverné par les hommes de la génération de son père. Ce père qui est en quelque sorte le personnage principal de ce livre auquel il s’adresse. Un truchement habile qui permet d’éplucher le conservatisme québécois, porté au pouvoir en 2018, qui autorise un politicien, tel François Legault, d’appeler à voter pour un pouvoir conservateur aux dernières élections fédérales, de manière naturelle et décomplexée. Jérémie McEwen était en sixième année lors de la première crise cardiaque de Jean McEwen. Dans le même temps il découvre le punk, Jello Biafra, Crass et No means No. Comme un écho à cette «énergie spéculative prête à exploser», cet essai, à la fois hommage et déclaration d'amour, indique également le nouveau chemin que l'auteur aimerait voir emprunter par le Québec de demain. Le 06 septembre 2018, 20 ans après sa mort son fils lit une lettre à son père sur les ondes de Radio Canada à l’occasion de l’exposition Poèmes barbares à la galerie Simon Blais. Il s'agit là, sans doute, de l'étincelle qui mène à ce livre. Je reçois Jérémie McEwen à Mission encre noire.
Extrait:« Que voulais-tu dire en disant que la vie n'était pas si courte que ça ? J'ai longtemps tenu l'interprétation suivante. La vie est assez longue pour le regrets, pour ce sentiment d'avoir trop brûlé de ponts, pour cette impression d'avoir manqué son coup avec certaines personnes. Tu m'avertissais, me dis-je pendant vingt ans, qu'il fallait faire attention au monde autour de nous, tu n'avais pas fait attention à certaines personnes, aux femmes surtout, et tu t'étais retrouvé avec seulement les amis de ta deuxième femme autour de toi, des gens que tu trouvais agréables, mais ce n'étaient pas tes amis à toi, et tu me disais qu'avoir ses amis à soi était un bien plus précieux que tout, aussi précieux que l'amour lui-même. Tu n'avais que deux amis à toi au temps où je t'ai connu, seulement deux qui t'étaient restés fidèles malgré tes frasques, et tu m'avertissais que si je ne me rendais pas assez vite compte de la longueur de la vie, je vivrais trop, trop tôt, trop fort, trop bête. Cette bêtise t'habitait, tu ne le niais pas, tu savais qu'elle m'habitait aussi, et tu m'as averti de maintenir la bête non pas strictement en cage, mais plutôt apprivoisée juste assez pour qu'elle me serve, sans trop me nuire.»
Feuille de route
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Émission du 27 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 412. Troubles, nos ombres un collectif dirigé par Jennifer Bélanger paru en 2023 aux éditions Triptyque dans la collection Queer. La colère ne se tarit pas dixit l’autrice. De l’élaboration de ce projet à l’été 2020, à son achèvement en 2022, Safia Nolin deviendra la bête noire des réseaux sociaux malgré son récit d’agressions subies de la part de Maripier Morin, la montée de la droite aux États-Unis et celles des conservatismes en général dans le monde, dès lors menace les droits fondamentaux des personnes minorisées. Les textes réunis ici par Jennifer Bélanger offre un espace sécuritaire à 11 artistes non seulement pour témoigner de l’urgence de dire les dangers qui guettent les personnes LGBTQ2IA+, mais également pour nous partager des récits de vie poignants. Qu’il s’agisse d’amitié, de rapports amoureux, de désirs, de colère, de résistance, Étienne Bergeron, Julie Bosman, Marilou Craft, Nicholas Dawson, Martine Delvaux, Sandrine Galand, Maude Lafleur, Mael Maréchal, Roxane Nadeau, Mélanie O’Bomsawin et Justina Uribe se réunissent sous l’ombre lumineuse et créatrice de Jennifer Bélanger, qui est mon invité, ce soir, à Mission encre noire.
Émission du 6 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 411. Mise en forme par Mikella Nicol paru en 2023 aux éditions Le Cheval D’août. À la suite d’une rupture amoureuse encore fraîche et de l’aménagement en catastrophe chez un ami, la narratrice se jette à corps perdu dans l’entraînement physique. Malgré que son corps deviennent de plus en plus performant, la dépression gagne du terrain, il y a toujours quelque chose qui cloche. Ce qui s’impose très vite comme la seule activité encore valable à ses yeux va devenir un sujet de réflexion tenace. Et si, en dépit des injonctions bénéfiques assénées par les vidéos de fitness, les programmes de remises en forme n’étaient que la partie émergée d’une problématique plus vaste. Pour l’autrice l’idée jaillit en croisant un inconnu malveillant dans la rue. Le lien qui unit violence et beauté ne fait plus aucun doute. Ou comment l’industrie du fitness, entre autre, confirme la main mise d'une esthétique patriarcale, coloniale et fossile, sur le discours ambiant, dixit Paul B. Preciado. On peut se demander, ici, comment un tel système, qui vise la soumission collective totale des corps, se met-il en place ? Les femmes en particulier, tels des objets inoffensifs, se doivent de collaborer, bien entendu, à leur corps défendant, à des modèles hétérosexuels astreignants. Ce livre à mi-chemin de l’essai et du récit autobiographique laisse libre court à une parole qui refuse de rentrer dans le moule. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mikella Nicol.
Émission du 23 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 410. Daniel Grenier Héroïnes et tombeaux paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Alexandra Pearson, originaire du Tennessee, lit le New York Times dans cette ville secondaire brésilienne à l’ouest de Porto Alegre : Uruguaiana. Aujourd’hui journaliste, la jeune femme qui avait cheminé aux côté de Françoise dans le roman précédent de l’auteur, part à la recherche, cent ans plus tard, d’un étrange personnage, Ambrose Bierce, auteur du Dictionnaire du diable. Il serait mort fusillé en 1915 au Mexique et réapparu, bien vivant, à des milliers de kilomètres plus loin. Pour cela, elle devra mettre la main sur un manuscrit inédit. Pendant ce temps, comme l’annonce le journal, une certaine Helen Klaben décède à l’âge de 76 ans. Autrefois, elle a fait la Une du Life magazine, le 12 avril 1963, après avoir survécu 49 jours dans le froid du Yukon suite au crash de leur avion le 3 février 1963. Étrange coïncidence, ce nom, lui semble familier. Il lui remémore un souvenir amer, celui de Françoise, cette fille à qui elle n’a fait que mentir. À l’époque elle se faisait appeler Samantha. Dans ce troisième livre qui se veut un hommage à Ernesto Sabato, l’auteur nous entraîne dans un étrange roman d’aventures dans lequel il explore une fois encore le territoire américain et il s’interroge sur la responsabilité de celui qui raconte les histoires des autres. Sur un air de Carioca, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Daniel Grenier.
Émission du 16 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 409. Exercices de joie par Louise Dupré paru en 2023 aux éditions du Noroît. Dernier fascicule du triptyque traitant des possibilités du poétique face à l’horreur et à la détresse entamé avec Plus haut que les flammes en 2010 puis La main hantée en 2016, Exercices de joie présente la poète fébrile, les côtes friables, hantée par des rêves qui la réveillent la nuit. Toutefois Louise Dupré n'abdique pas pour autant. Elle revendique le désir de se tenir debout devant un paysage en ruines quitte à s'accrocher à ses mots comme à une bouée. Car, s'il est peut-être vain de vouloir comprendre l’envers du monde quand le temps fuit entre nos doigts, pourquoi ne pas apprivoiser les douleurs, en oublier la piqûre de l’aiguille. L’écriture, telle une veine fragile qui palpite encore, se mue en écorce revêche, pour combattre en prose et en vers. Si la suie de Birkenau ou de Auschwitz la poursuit encore, si l’ombre de la main coupable du second recueil habite encore les pages, les poèmes explorent ici une autre voie, plus apaisée. Celle de la douceur, celle de la joie, que l'autrice défini comme cet instant précieux et rare ou le cœur module ses élans. Il est du devoir de la poète de donner à voir cette faible clarté bienveillante qui conduit sa main. Certes, le cercle des poètes disparus s’agrandit un peu plus chaque jour, le monde chancelle ; non, elle ne vacillera pas ; l’autrice appartient à la généalogie des femmes qui n’ont jamais renoncé. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Louise Dupré.
Émission du 2 mai 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 408. Le plein d’ordinaire par Étienne Tremblay paru en 2023 aux éditions Les Herbes Rouges. Asti qu’était belle! se dit Mathieu alors qu'il entre dans le Pétro sur le boulevard qui mène vers Longueuil, proche de l’usine Weston. Elle, c’est Val, sa future collègue que l’adolescent de Boucherville va chercher désespérément à séduire. Le futur cégépien est persuadé d’être promis à un grand destin de poète, cela sera-t-il suffisant pour elle? En attendant, il travaille de nuit dans une station-service à distance de vélo de chez lui. Une job parfaite qui lui permet de lire à sa guise, de consommer ses trois gammes de pot, de voler des cigarettes et de manger à volonté. Mathieu illustre à merveille la chronique ordinaire d’un ados de banlieue des années 2000. Une jeunesse qui se mélange, qui se passionne, qui se voit un avenir exceptionnel, qui rêve la vie en grand plutôt qu’à travers le miroir aveugle de l’écran noir d’un cellulaire. Mathieu n’a rien de différent des autres, si ce n’est l’élan que lui procure une sensibilité exacerbée et un certain goût du risque. Des excès qui fatalement se fracasseront contre le mur des réalités. Voici un roman initiatique qui relate l’aventure épisodique, très attachante, d’un jeune homme en quête de lui-même, pris au centre de son univers sensible, près à devenir un autre Mathieu, même s'il ne sait pas très bien encore à quoi cela ressemblera. J’accueille, ce soir à Mission encre noire, Étienne Tremblay.