Mission encre noire
Émission du 9 novembre 2021
Mission encre noire Tome 32 Chapitre 370. Les racistes n’ont jamais vu la mer par Rodney Saint-Éloi et Yara El-Ghadban, paru en 2021 aux éditions Mémoire d’encrier. Yara El Ghadban et Rodney Saint-Éloi nous invitent ici à dialoguer. Les deux écrivain.e.s se livrent à vous, sous la forme d'un échange épistolaire, riche et bienveillant. À partir de leur propres expériences et de leurs souvenirs, chacun.e tente de répondre à la question du racisme. Librement l’une et l’autre nous régalent de mots, d’idées, de poésie et d’anecdotes, qui malgré le sujet vous feront voyager. L'urgence est de se raconter pour que les villes s'enrichissent d'une mémoire collective inclusive et rassembleuse.Comme il est écrit ici: peut-être qu’il est temps pour les blancs d’écouter, et que le moyen le plus sûr est de partager ces récits qu’on ne raconte pas. Poussons-nous sous l’arbre à palabres, ce soir, aux côtés de mes invités, Yara El-Ghadban et Rodney Saint-Éloi sont à Mission encre noire.
Extrait:« Les femmes ont tant subi la violence de la langue qu'elles ont développé leur propre vocabulaire. Elles nous ont donné le mot mansplaining pour dire la tendance des hommes à vouloir expliquer les choses aux femmes, comme on le fait aux enfants. Il y a aussi le whitesplaining, ces conversations entre blancs et non blancs, où chacun doit respecter son rôle. Par la couleur de notre peau, par nos accents et nos histoires, nous sommes les pauvres, les malavisés, les confus. Nous sommes le fardeau des blancs et leur responsabilité de maîtres du monde. C'est aux blancs de nous guider vers la lumière, de nous apprendre les règles de la grammaire, nous montrer ce que c'est une vraie maison d'édition et ce que c'est un vrai éditeur. Il n'est pas Noir, et il ne parle pas créole. S'il fallait ajouter à cela une éditrice arabe qui écrit dans sa troisième langue, eh bien, c'est la recette pour un désastre ! J'aime cette confusion Rodney. J'aime les sourires condescendants quand tu insères le mot révolution dans tes phrases. Le subtil, «il n'est pas sérieux» ou«laissons-les à leur délusions, ces Noirs et ces Arabes».»
Nous sommes un continent, correspondance Mestiza par Nicholas Dawson et Karine Rosso paru en 2021 aux éditions Triptyque dans la collection Difforme. Osons danser sur this bridge call home. Sachons prêter l'oreille à cette conversation passionnante qui vous demandera sans doute de ralentir un peu, pour mieux ressentir l'écho d'une voix unique, celle de Gloria Anzualda. À partir de ses réflexions, Karine Rosso et Nicholas Dawson reprennent un échange épistolaire amorcé avec l'ouvrage Se faire éclatée, expériences marginales et écriture de soi qui s’achevait précisément sur une citation de la langue enflammée de Gloria Anzaldua. Cette nouvelle rencontre est une invite à reprendre leur dialogue autour de l’œuvre de l’autrice d’origine texane décédée le 15 mai 2004 à Santa Cruz. Ce livre, c’est aussi l’histoire d’une amitié, l'une et l'autre nous offrent une traversée intime des continents pour «décentrer la parole blanche, unilingue et consensuelle qui domine les médias et la culture» comme le souligne Pierre-Luc Landry en préface. Nous sommes un continent appelle à un changement du monde et à ses façons de penser. Ce livre tisse des liens et il existe précisément pour vous permettre de ne pas rester sur le seuil des mutations économiques et sociales à venir. Je vous invite à découvrir cet espaces de tous les possibles, là où se cotoît toutes les marginalités: la frontière, en compagnie de Nicholas Dawson et Karine Rosso, ce soir, à Mission encre noire.
Extrait:« Buenos Aires (Argentine), 18 janvier 2019. Cher Nicolas, C'est la première fois que je t'écris à la main. Je suis toujours à Buenos Aires, dans un café situé en face d'une gare de banlieue. Je fume sur la terrasse en regardant les couples, les ami.e.s et les familles nombreuses aux tables voisines. La musique qui me parvient de l'intérieur du café (Amy Winehouse, Dirty Dancing) me rappelle ce que tu m'as écrit dans anti-gringo qu'on pourrait le croire. Contrairement à toi, je n'ai toutefois pas été en contact avec les milieux universitaires. Ici, mes ami.e.s et ma belle famille se déplacent en circulos militantes ou dans des espaces culturels alternatifs. Il est vrai que celleux qui ont été à l'université citent parfois Bourdieu, Lacan ou Chomsky, mais depuis que je suis ici, j'entends davantage parler del FIT (Frente de izquierda de los trabajadores) et du mouvement pour la légalisation de l'avortement. Cette année, des centaines de milliers d'Argentines sont descendues dans la rue pour défendre le droit d'avorter sans avoir à risquer leur vie. Munies d'un foulard vert, elles ont défilé jour et nuit devant le congrès. (Je m'interromps pour évoquer la femme et ses trois enfants qui passent en ce moment aux tables pour demander de la monnaie. Il y a dix minutes, j'ai acheté trois paires de bas pour 100 pesos à un jeune homme qui me disait «por favor señorita, ayudame»).»
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Émission du 27 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 412. Troubles, nos ombres un collectif dirigé par Jennifer Bélanger paru en 2023 aux éditions Triptyque dans la collection Queer. La colère ne se tarit pas dixit l’autrice. De l’élaboration de ce projet à l’été 2020, à son achèvement en 2022, Safia Nolin deviendra la bête noire des réseaux sociaux malgré son récit d’agressions subies de la part de Maripier Morin, la montée de la droite aux États-Unis et celles des conservatismes en général dans le monde, dès lors menace les droits fondamentaux des personnes minorisées. Les textes réunis ici par Jennifer Bélanger offre un espace sécuritaire à 11 artistes non seulement pour témoigner de l’urgence de dire les dangers qui guettent les personnes LGBTQ2IA+, mais également pour nous partager des récits de vie poignants. Qu’il s’agisse d’amitié, de rapports amoureux, de désirs, de colère, de résistance, Étienne Bergeron, Julie Bosman, Marilou Craft, Nicholas Dawson, Martine Delvaux, Sandrine Galand, Maude Lafleur, Mael Maréchal, Roxane Nadeau, Mélanie O’Bomsawin et Justina Uribe se réunissent sous l’ombre lumineuse et créatrice de Jennifer Bélanger, qui est mon invité, ce soir, à Mission encre noire.
Émission du 6 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 411. Mise en forme par Mikella Nicol paru en 2023 aux éditions Le Cheval D’août. À la suite d’une rupture amoureuse encore fraîche et de l’aménagement en catastrophe chez un ami, la narratrice se jette à corps perdu dans l’entraînement physique. Malgré que son corps deviennent de plus en plus performant, la dépression gagne du terrain, il y a toujours quelque chose qui cloche. Ce qui s’impose très vite comme la seule activité encore valable à ses yeux va devenir un sujet de réflexion tenace. Et si, en dépit des injonctions bénéfiques assénées par les vidéos de fitness, les programmes de remises en forme n’étaient que la partie émergée d’une problématique plus vaste. Pour l’autrice l’idée jaillit en croisant un inconnu malveillant dans la rue. Le lien qui unit violence et beauté ne fait plus aucun doute. Ou comment l’industrie du fitness, entre autre, confirme la main mise d'une esthétique patriarcale, coloniale et fossile, sur le discours ambiant, dixit Paul B. Preciado. On peut se demander, ici, comment un tel système, qui vise la soumission collective totale des corps, se met-il en place ? Les femmes en particulier, tels des objets inoffensifs, se doivent de collaborer, bien entendu, à leur corps défendant, à des modèles hétérosexuels astreignants. Ce livre à mi-chemin de l’essai et du récit autobiographique laisse libre court à une parole qui refuse de rentrer dans le moule. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mikella Nicol.
Émission du 23 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 410. Daniel Grenier Héroïnes et tombeaux paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Alexandra Pearson, originaire du Tennessee, lit le New York Times dans cette ville secondaire brésilienne à l’ouest de Porto Alegre : Uruguaiana. Aujourd’hui journaliste, la jeune femme qui avait cheminé aux côté de Françoise dans le roman précédent de l’auteur, part à la recherche, cent ans plus tard, d’un étrange personnage, Ambrose Bierce, auteur du Dictionnaire du diable. Il serait mort fusillé en 1915 au Mexique et réapparu, bien vivant, à des milliers de kilomètres plus loin. Pour cela, elle devra mettre la main sur un manuscrit inédit. Pendant ce temps, comme l’annonce le journal, une certaine Helen Klaben décède à l’âge de 76 ans. Autrefois, elle a fait la Une du Life magazine, le 12 avril 1963, après avoir survécu 49 jours dans le froid du Yukon suite au crash de leur avion le 3 février 1963. Étrange coïncidence, ce nom, lui semble familier. Il lui remémore un souvenir amer, celui de Françoise, cette fille à qui elle n’a fait que mentir. À l’époque elle se faisait appeler Samantha. Dans ce troisième livre qui se veut un hommage à Ernesto Sabato, l’auteur nous entraîne dans un étrange roman d’aventures dans lequel il explore une fois encore le territoire américain et il s’interroge sur la responsabilité de celui qui raconte les histoires des autres. Sur un air de Carioca, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Daniel Grenier.
Émission du 16 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 409. Exercices de joie par Louise Dupré paru en 2023 aux éditions du Noroît. Dernier fascicule du triptyque traitant des possibilités du poétique face à l’horreur et à la détresse entamé avec Plus haut que les flammes en 2010 puis La main hantée en 2016, Exercices de joie présente la poète fébrile, les côtes friables, hantée par des rêves qui la réveillent la nuit. Toutefois Louise Dupré n'abdique pas pour autant. Elle revendique le désir de se tenir debout devant un paysage en ruines quitte à s'accrocher à ses mots comme à une bouée. Car, s'il est peut-être vain de vouloir comprendre l’envers du monde quand le temps fuit entre nos doigts, pourquoi ne pas apprivoiser les douleurs, en oublier la piqûre de l’aiguille. L’écriture, telle une veine fragile qui palpite encore, se mue en écorce revêche, pour combattre en prose et en vers. Si la suie de Birkenau ou de Auschwitz la poursuit encore, si l’ombre de la main coupable du second recueil habite encore les pages, les poèmes explorent ici une autre voie, plus apaisée. Celle de la douceur, celle de la joie, que l'autrice défini comme cet instant précieux et rare ou le cœur module ses élans. Il est du devoir de la poète de donner à voir cette faible clarté bienveillante qui conduit sa main. Certes, le cercle des poètes disparus s’agrandit un peu plus chaque jour, le monde chancelle ; non, elle ne vacillera pas ; l’autrice appartient à la généalogie des femmes qui n’ont jamais renoncé. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Louise Dupré.
Émission du 2 mai 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 408. Le plein d’ordinaire par Étienne Tremblay paru en 2023 aux éditions Les Herbes Rouges. Asti qu’était belle! se dit Mathieu alors qu'il entre dans le Pétro sur le boulevard qui mène vers Longueuil, proche de l’usine Weston. Elle, c’est Val, sa future collègue que l’adolescent de Boucherville va chercher désespérément à séduire. Le futur cégépien est persuadé d’être promis à un grand destin de poète, cela sera-t-il suffisant pour elle? En attendant, il travaille de nuit dans une station-service à distance de vélo de chez lui. Une job parfaite qui lui permet de lire à sa guise, de consommer ses trois gammes de pot, de voler des cigarettes et de manger à volonté. Mathieu illustre à merveille la chronique ordinaire d’un ados de banlieue des années 2000. Une jeunesse qui se mélange, qui se passionne, qui se voit un avenir exceptionnel, qui rêve la vie en grand plutôt qu’à travers le miroir aveugle de l’écran noir d’un cellulaire. Mathieu n’a rien de différent des autres, si ce n’est l’élan que lui procure une sensibilité exacerbée et un certain goût du risque. Des excès qui fatalement se fracasseront contre le mur des réalités. Voici un roman initiatique qui relate l’aventure épisodique, très attachante, d’un jeune homme en quête de lui-même, pris au centre de son univers sensible, près à devenir un autre Mathieu, même s'il ne sait pas très bien encore à quoi cela ressemblera. J’accueille, ce soir à Mission encre noire, Étienne Tremblay.