Émission du 13 septembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 388. La cité Oblique de Christian Quesnel et Ariane Gélinas paru en 2022 aux éditions Alto. Mission encre noire est de retour ! Pour ouvrir cette nouvelle saison, rien de moins que Howard Phillips Lovecraft comme invité, dissimulé sous les traits de Christian Quesnel et Ariane Gélinas. Tendez l'oreille, les premiers grattements et les frottements de créatures étranges et primitives débordent déjà du cadre de ce podcast. À la lucarne de cette splendide bande dessinée, La cité Oblique, les deux auteur.e.s nous proposent de franchir les portes de l’univers formidable d’un géant de la littérature fantastique, inspiré.e.s par les voyages de celui-ci. Le créateur du Mythe de Cthulhu a, non seulement rendu visite, par trois reprises, à la ville de Québec, il en a également tiré sa propre version de l’histoire de la Nouvelle-France. Prenant la balle au bond, Christian Quesnel et Ariane Gélinas, s’accaparent cette matière première, les écrits de Lovecraft, pour revisiter et se réapproprier une passionnante histoire parallèle du Québec. À la limite du songe, du fantastique et du rêve, les peuples déchus ou oubliés qui grouillaient sur les terres d’Elkanah, retrouvent une existence dans l’âme craintive des hommes, grâce à ce splendide projet. Les territoires de ceux qui savent, s’ouvrent à celles et ceux qui sauront voir et écouter. À la faveur de la tombée de la nuit, je vous invite à rencontrer Christian Quesnel et Ariane Gélinas, ce soir, à Mission encre noire.
Extrait:« Épié par Elkanah et ceux-des-ailes-noires, Qartier érigea à Geizpe, « lieu de refuge ombrageux », une croix de 9 mètres portant le blason et le lys. Il donna un coup au flanc d'une terre qui jamais ne lui appartiendrait. Infligea une blessure à ce pays insoumis, vierge de la présence de ceux qui obéissaient aux dieux faibles. Ain de les punir pour leur intrusion, Elkanah et ses semblables les accablèrent du mal qui fait pourrir les gencives.»
Les marins ne savent pas nager par Dominique Scali paru en 2022 aux éditions La Peuplade. Oyé, Oyé chèr.e.s concitoyen.e.s, savez-vous nager? Bien que cette fonction ne soit pas essentielle pour vous immerger dans ces pages, sachez qu’ils vous faudra rendre les armes et savoir échouer avec style sur les rives escarpées de l’île dYs : un bout de terre perdu au milieu de l’Atlantique au XVIII ème siècle. Le citoyen Joybbert, charpentier de la Marine issoise a déposé une requête pour une reconnaissance posthume en l’honneur de Danaé Berrubé-Portaguen dite Poussin pour son rôle joué dans le coup d’État de la Grande Rotation. Il faut avoir du courage pour être issoise ou issois. Un.e citoyen.n.e de ce nom se doit de faire ses preuves avant toutes choses pour accéder au Graal : vivre dans la cité fortifiée à l’abri des grandes marées d’équinoxe. Et Danaé n’en manque point, d’abnégation et d’audace. Son destin, ici conté, s’étale sur une lecture passionnante, foisonnante, bluffante de plus de 700 pages. L'autrice invente une langue vernaculaire colorée et adopte les codes du roman d'aventures maritimes pour mieux nous charmer. Sirènes ou sorcières, le magnétisme des personnages opère à merveille pour un deuxième roman époustouflant de maîtrise. Destination le littoral déchiqueté de falaises nues, que seuls les oiseaux et les navires de faible tonnage peuvent approcher : l’île d’Ys, ce soir, à Mission encre noire, en compagnie de la citoyenne Dominique Scali.
Extrait:« À tribord, au-delà de la pointe du Vieux, une bande de crépuscule rose surlignait le niveau de la mer. Droit devant la proue, ils embouquèrent l'étroit mais profond passage menant à la rade du port d'Ys. Côté est, une suite de protubérances rocheuses surmontées d'une batterie. Côté ouest, un tentacule semi-immergé qui prolongeait la paroi du goulet dans la baie comme un avant poste. Cette bande de gravier et de sable était le résultat de l'action des courants conjuguée à l'accumulation d'épaves échouées sur ses contreforts. On pouvait encore voir briller dans son épaisseur la bouche d'un canon enseveli, reflétant le soleil quand elle n'était pas camouflée par les algues. En creusant un trou en son centre, on eût réalisé que ce bras était moins une bande de terre qu'un ramassis d'échardes qui s'engraissaient toujours plus de leur propre action. Au fond de l'échancrure, un désordre de lampes, torches et bougies formait un amphithéâtre de lumières, la ville se découpant contre le ciel presque noir. Danaé resta éblouie, les bras serrés sous sa cape de lin.»