Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 3 novembre 2020

Mission encre noire Tome 29 Chapitre 340. L'absente de tous bouquets de Catherine Mavrikakis paru en 2020 aux éditions Héliotrope. « Parle à ta mère, il faut continuer à parler à ta mère.» Suivant les conseils de Rodney Saint-Éloi, Catherine Mavrikakis décide de prendre le deuil de sa mère à bras le corps. Elle, cette mère, Denise, qui n'apprécie les fleurs que taillées et dressées dans un vase. Elle, qui devient, malgré tout, l'objet précieux de ce livre un après sa mort. D'elle, l'autrice cherche encore la voix, la chaleur d'une main, les éclats de rire. Dans cette partie de sa vie, sa fille, puisqu'elle est morte, ose tout lui dire, même de l'appeler maman. Denise conservera longtemps la nostalgie, comme une plaie ouverte, d'une France qui n'existe déjà presque plus, son pays natal. Catherine Mavrikakis se laisse traverser par les éclats des souvenirs, dans ce livre. Elle nous raconte sa mère, en rose cruelle, en divin laurier des âmes exilées, dans la blancheur sanglotante du lys, des gerbes chères à Mallarmé. Intime comme jamais, prête à nous faire goûter de ces bouquets de fleurs d'hiver qui arrivent à pousser malgré tout, l'autrice gifle et épouse sa douleur comme on dompte l'absence soudaine d'un amour disparu. C'est magnifique et bouleversant. Catherine Mavrikakis est invitée, ce soir, à Mission encre noire. Extrait: « Maman a vécu loin de la rumeur du présent. Elle refusait de se laisser porter par les malheurs de son temps. Elle n'acceptait pas que je lui parle de mon souci du monde. Il faut vivre sans penser à tout cela, autrement, tu me le disais, «on n'en finirait pas». C'est vrai qu'on n'en finit pas de veiller sur la douleur des autres, on peut passer sa vie dans cet état d'attention là. La littérature est anachronique. Elle n'a rien du journal, du quotidien livré en pâture à ceux qui s'en repaissent. Je ne sais pas si je dois aux conseils de Maman mon écart face au monde, qui m'a permis de me noyer dans la lecture. Enfants, nous ne fréquentions personne et nous vivions dans leurs passés, à elle et à Papa. Néanmoins, dans ce retrait où ton existence s'était installée, toi qui t'étais pris l'Histoire et la Grande guerre en pleine gueule de seize à vingt ans, tu m'as donné de quoi cultiver ma solitude. Je t'en sais infiniment gré.» Un peu en marge: Houellebecq poète par Olivier Parenteau paru en 2020 aux éditions Nota Bene collection Miniatures. Olivier Parenteau a buté par hasard sur un vers de Michel Houellebecq au détour des rayons d'une bouquinerie: « D'abord j'ai trébuché dans un congélateur». Séduit par la banalité et l'humour qui se dégage du texte, il décide de lire la suite. L'auteur propose, ici, dans un texte condensé, argumenté et illustré, d'aborder les poèmes plutôt méconnus de l'écrivain français, dont les romans font en général, systématiquement la une des médias. Si Michel Houellebecq met en valeur des lieux et des sentiments du français moyen, qui, autrement ne figurent pas ou peu en poésie, il y a un thème qui surnage par dessus tout: l'amour.  Un mot que l'auteur ne prend pas à la légère, comme nous allons le constater, puisque Olivier Parenteau est invité, à Mission encre noire. Extrait: « Après dix ans de fréquentation assidue, le charme des poèmes de Houellebecq opère toujours. Il y a des raisons intellectuelles à cela: les avoir souvent analysés dans le détail et les avoir fréquemment enseignés a achevé de me convaincre de leur densité sémantique et de l'originalité du regard qu'ils portent sur un monde patiemment dépecé, vers après vers, sans aucune trace de complaisance. Mais les poèmes de Houellebecq battent en brèche l'herméneute soucieux de produire des analyses académiquement recevables qu'il m'arrive d'être. Ils finissent toujours par me rappeler que si je les aime tant, c'est pour des raisons plus directement affectives. En fait, si ces poèmes me touchent, c'est parce qu'ils sont tout simplement renversants de sincérité.»  

Feuille de route

Tous les épisodes