Mission encre noire
Émission du 17 mars 2020
Mission encre noire Tome 28 Chapitre 332. Un automne noir de Florian Olsen paru en 2020 aux éditions Triptyque Policier. Estara Villeneuve, professeur, chercheuse et enseignante à l'université d'Ottawa projette d'écrire un livre sur la vague de meurtres qui a ébranlé le Vieux-Hull quelques années auparavant. La plupart des victimes sont blanches ou presque, dans la vingtaine, diplômées de l'université du Québec en Outaouais. À l'époque la une du Ottawa Citizen, du Droit et de Radio-Canada s'en donne à coeur joie sur les crimes de «l'Automne noir». Les radios poubelles, à leur tour, se déchaînent au milieu d'une campagne électorale municipale démagogique. La terreur s'empare de Gatineau et menace l'équilibre du quartier. Estarra frissonne encore au souvenir de cette étrange période de sa vie. Un homme a été arrêté et accusé, à la lecture des conclusions de l'affaire, néanmoins un doute subsiste. Comment Didier Saint-Louis a-t-il pu s'introduire dans des lieux publics à l'accès restreint ? Étrange. L'auteur signe ici un polar oppressant et délicieusement énigmatique. Alors que la tension monte dans votre lecture, le malaise ressenti soudain se dissimule habilement dans les replis du texte, dans ces fameuses ténèbres qui se nourrissent si bien de nos petites peurs et de nos grandes angoisses. Je vous invite à découvrir certains quartiers d'Ottawa, comme vous ne l'avez certainement que rarement lu auparavant. Ce soir, à Mission encre noire, je suis en compagnie de Florian Olsen.
Extrait:« Le coupable présumé, Didier Saint-Louis, était un Néo-Canadien de racines haïtiennes, avec un passé de délinquant. La fusillade qui a éclaté quand les agents sont descendus chez lui a fait de sa culpabilité une évidence,. La ville entière aurait préféré reléguer l'Automne noir aux oubliettes. Ça ne m'a pas facilité la tâche quand j'ai signé mon dernier article. Aster reprend son souffle: J'avais des doutes. Le lendemain de la conférence de presse, j'ai publié un reportage qui répertoriait les questions auxquelles la police ne daignait pas répondre. On pouvait croire qu'il y avait eu des vices de procédure. Des témoins pas fiables, par exemple...Ça, et la police n'a jamais bien expliqué le rapport entre certaines preuves relevées sur chacune des victimes et Didier saint-Louis.»
Débâcles de Marie-Pier Poulin paru en 2019 aux éditions Sémaphore. Un jeune prêtre né à l'aube du vingtième siècle dans les campagnes du nord de Montréal souhaite accomplir ce que ses héros, les premiers jésuites arrivés en Nouvelle-France et autres missionnaires ont réalisé. En Août 1930, Arthur Benoît quitte les siens pour rejoindre les peuples autochtones du Grand Nord. Il va rencontrer un inuk d'une grande beauté, Arsanuk. Invité à séjourner dans son village, il va y construire son église et une école. La vie âpre au milieu des tempêtes de neige, le soleil éblouissant et la noirceur sans fin des hivers glacials ne le découragent pas. Bien des années plus tard, Pierre repense, songeur, à cette histoire, la sienne, alors que son avion décolle de Montréal. Suite à une tragédie terrible, le destin a conduit ce jeune inuk de sept ans, à quitter sa terre natale et à rejoindre, grâce au père Benoît, le sud du Québec. Devenu médecin, il retourne, vingt-cinq ans plus tard dans son village inuit du nord du Québec. Campé à l'époque de la crise d'octobre 1970, ce poignant premier roman tisse astucieusement les portraits antagonistes de deux destins: la marche forcée vers la modernité de la province du Québec et celui d'un peuple fier et valeureux, farouchement décidé à défendre ses droits ancestraux. Piari dit Pierre incarne, malgré lui, cette alternative déchirante. Il y a des chances que la lecture de ce roman rappelle singulièrement le mouvement de dissidence récent qui oppose le peuple autochtone Wet'suwet'en au projet du gazoduc GNL aujourd'hui. Marie-Pier Poulin est invité à Mission encre noire, ce soir.
Extrait: « Pierre se réveille en sursaut. Désorienté, le souffle court, il cherche du regard un indice, un élément du décor qui pourrait lui rappeler où il est. Dans la pénombre de la pièce, des murs pâles et vides, une large fenêtre dissimulée par un rideau de fortune. Il se souvient enfin. Il est de retour chez lui, au nord. Depuis deux nuits, il dort d'un sommeil de plomb. Les bouleversements des derniers temps menacent son équilibre fragile. Il se doute bien qu'une fois couché, enveloppé par la solitude de l'obscurité, son esprit pourrait s'affoler et provoquer d'interminables heures d'insomnie, faisant remonter à la surface un passé encore trop difficile à affronter. De peur d'avoir à subir les grands maux d'autrefois, il préfère s'endormir à l'aide de calmants. le matin venu, le chemin entre les profondeurs de l'inconscience et la réalité est long et affolant.»
Feuille de route
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Émission du 27 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 412. Troubles, nos ombres un collectif dirigé par Jennifer Bélanger paru en 2023 aux éditions Triptyque dans la collection Queer. La colère ne se tarit pas dixit l’autrice. De l’élaboration de ce projet à l’été 2020, à son achèvement en 2022, Safia Nolin deviendra la bête noire des réseaux sociaux malgré son récit d’agressions subies de la part de Maripier Morin, la montée de la droite aux États-Unis et celles des conservatismes en général dans le monde, dès lors menace les droits fondamentaux des personnes minorisées. Les textes réunis ici par Jennifer Bélanger offre un espace sécuritaire à 11 artistes non seulement pour témoigner de l’urgence de dire les dangers qui guettent les personnes LGBTQ2IA+, mais également pour nous partager des récits de vie poignants. Qu’il s’agisse d’amitié, de rapports amoureux, de désirs, de colère, de résistance, Étienne Bergeron, Julie Bosman, Marilou Craft, Nicholas Dawson, Martine Delvaux, Sandrine Galand, Maude Lafleur, Mael Maréchal, Roxane Nadeau, Mélanie O’Bomsawin et Justina Uribe se réunissent sous l’ombre lumineuse et créatrice de Jennifer Bélanger, qui est mon invité, ce soir, à Mission encre noire.
Émission du 6 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 411. Mise en forme par Mikella Nicol paru en 2023 aux éditions Le Cheval D’août. À la suite d’une rupture amoureuse encore fraîche et de l’aménagement en catastrophe chez un ami, la narratrice se jette à corps perdu dans l’entraînement physique. Malgré que son corps deviennent de plus en plus performant, la dépression gagne du terrain, il y a toujours quelque chose qui cloche. Ce qui s’impose très vite comme la seule activité encore valable à ses yeux va devenir un sujet de réflexion tenace. Et si, en dépit des injonctions bénéfiques assénées par les vidéos de fitness, les programmes de remises en forme n’étaient que la partie émergée d’une problématique plus vaste. Pour l’autrice l’idée jaillit en croisant un inconnu malveillant dans la rue. Le lien qui unit violence et beauté ne fait plus aucun doute. Ou comment l’industrie du fitness, entre autre, confirme la main mise d'une esthétique patriarcale, coloniale et fossile, sur le discours ambiant, dixit Paul B. Preciado. On peut se demander, ici, comment un tel système, qui vise la soumission collective totale des corps, se met-il en place ? Les femmes en particulier, tels des objets inoffensifs, se doivent de collaborer, bien entendu, à leur corps défendant, à des modèles hétérosexuels astreignants. Ce livre à mi-chemin de l’essai et du récit autobiographique laisse libre court à une parole qui refuse de rentrer dans le moule. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mikella Nicol.
Émission du 23 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 410. Daniel Grenier Héroïnes et tombeaux paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Alexandra Pearson, originaire du Tennessee, lit le New York Times dans cette ville secondaire brésilienne à l’ouest de Porto Alegre : Uruguaiana. Aujourd’hui journaliste, la jeune femme qui avait cheminé aux côté de Françoise dans le roman précédent de l’auteur, part à la recherche, cent ans plus tard, d’un étrange personnage, Ambrose Bierce, auteur du Dictionnaire du diable. Il serait mort fusillé en 1915 au Mexique et réapparu, bien vivant, à des milliers de kilomètres plus loin. Pour cela, elle devra mettre la main sur un manuscrit inédit. Pendant ce temps, comme l’annonce le journal, une certaine Helen Klaben décède à l’âge de 76 ans. Autrefois, elle a fait la Une du Life magazine, le 12 avril 1963, après avoir survécu 49 jours dans le froid du Yukon suite au crash de leur avion le 3 février 1963. Étrange coïncidence, ce nom, lui semble familier. Il lui remémore un souvenir amer, celui de Françoise, cette fille à qui elle n’a fait que mentir. À l’époque elle se faisait appeler Samantha. Dans ce troisième livre qui se veut un hommage à Ernesto Sabato, l’auteur nous entraîne dans un étrange roman d’aventures dans lequel il explore une fois encore le territoire américain et il s’interroge sur la responsabilité de celui qui raconte les histoires des autres. Sur un air de Carioca, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Daniel Grenier.
Émission du 16 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 409. Exercices de joie par Louise Dupré paru en 2023 aux éditions du Noroît. Dernier fascicule du triptyque traitant des possibilités du poétique face à l’horreur et à la détresse entamé avec Plus haut que les flammes en 2010 puis La main hantée en 2016, Exercices de joie présente la poète fébrile, les côtes friables, hantée par des rêves qui la réveillent la nuit. Toutefois Louise Dupré n'abdique pas pour autant. Elle revendique le désir de se tenir debout devant un paysage en ruines quitte à s'accrocher à ses mots comme à une bouée. Car, s'il est peut-être vain de vouloir comprendre l’envers du monde quand le temps fuit entre nos doigts, pourquoi ne pas apprivoiser les douleurs, en oublier la piqûre de l’aiguille. L’écriture, telle une veine fragile qui palpite encore, se mue en écorce revêche, pour combattre en prose et en vers. Si la suie de Birkenau ou de Auschwitz la poursuit encore, si l’ombre de la main coupable du second recueil habite encore les pages, les poèmes explorent ici une autre voie, plus apaisée. Celle de la douceur, celle de la joie, que l'autrice défini comme cet instant précieux et rare ou le cœur module ses élans. Il est du devoir de la poète de donner à voir cette faible clarté bienveillante qui conduit sa main. Certes, le cercle des poètes disparus s’agrandit un peu plus chaque jour, le monde chancelle ; non, elle ne vacillera pas ; l’autrice appartient à la généalogie des femmes qui n’ont jamais renoncé. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Louise Dupré.
Émission du 2 mai 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 408. Le plein d’ordinaire par Étienne Tremblay paru en 2023 aux éditions Les Herbes Rouges. Asti qu’était belle! se dit Mathieu alors qu'il entre dans le Pétro sur le boulevard qui mène vers Longueuil, proche de l’usine Weston. Elle, c’est Val, sa future collègue que l’adolescent de Boucherville va chercher désespérément à séduire. Le futur cégépien est persuadé d’être promis à un grand destin de poète, cela sera-t-il suffisant pour elle? En attendant, il travaille de nuit dans une station-service à distance de vélo de chez lui. Une job parfaite qui lui permet de lire à sa guise, de consommer ses trois gammes de pot, de voler des cigarettes et de manger à volonté. Mathieu illustre à merveille la chronique ordinaire d’un ados de banlieue des années 2000. Une jeunesse qui se mélange, qui se passionne, qui se voit un avenir exceptionnel, qui rêve la vie en grand plutôt qu’à travers le miroir aveugle de l’écran noir d’un cellulaire. Mathieu n’a rien de différent des autres, si ce n’est l’élan que lui procure une sensibilité exacerbée et un certain goût du risque. Des excès qui fatalement se fracasseront contre le mur des réalités. Voici un roman initiatique qui relate l’aventure épisodique, très attachante, d’un jeune homme en quête de lui-même, pris au centre de son univers sensible, près à devenir un autre Mathieu, même s'il ne sait pas très bien encore à quoi cela ressemblera. J’accueille, ce soir à Mission encre noire, Étienne Tremblay.