Mission encre noire
Émission du 2 mars 2021
Mission encre noire Tome 30 Chapitre 352. Se faire éclaté.e, expériences marginales et écritures de soi sous la direction de Nicholas Dawson, Pierre-Luc Landry et Karianne Trudeau Beaunoyer paru en 2021 aux éditions Nota Bene dans la collection Indiscipline. La nouvelle collection dirigée par Étienne Beaulieu se propose d'ouvrir de nouveaux champs d'investigation pour une pensée contemporaine des arts et des savoirs. Un collectif d'autrices et d'auteurs se réunit autour du thème: l'écriture de soi dans une position de marginalité. Marilou Craft, Nicholas Dawson, Fanie Demeule, Kevin Lambert, Pierre-Luc Landry, Stéphane Martelly, Alex Noël, Karine Rosso, Chloé Savoie-Bernard et Karianne Trudeau Beaunoyer posent les premiers jalons d'une réflexion stimulante et anticonformiste. Qu'est-ce que c'est être soi-même ? Comment incarner dans l'écriture la multiplicité des expériences humaines ? Comment saisir les différents aspects qui composent une histoire sans tomber dans le piège de l'appropriation ? Est-il possible d'exprimer une sexualité, une langue minoritaire, en dehors des canons du «régime politique» hétérosexuel dominant ? C’est à un numéro d’équilibriste inédit et passionnant que se livrent cette dizaine d’autrices et d’auteurs lâché.e.s en libertés dans les pages d’un essai essentiel, eu égard aux nouveaux enjeux des littératures qui enflamment aujourd'hui les débats d'actualités. À leur suite, je vous invite à entrer en résistance, de comprendre, de résister, de refuser en compagnie de Karianne Trudeau Beaunoyer et de Pierre-Luc Landry, ce soir, à Mission encre noire.
Extrait:« J'essaie d'écrire avec tout le corps, autant de corps que d'abandons, que de cicatrices, que d'amours jamais advenues, que d'amitiés perdues. Autant de corps que d'insultes reçues ou entendues, que de violences pernicieuses. Autant de corps que de nuits blanchies par le désir ou la perte qui sont une seule et même chose, que de soirées à espérer, que d'étés à m'ennuyer. J'aurai ainsi plusieurs corps abandonnés à chaque tournant, à toutes les bifurcations, des mues qui empêchent la résilience: je n'ai pas de forme initiale à laquelle revenir après les altérations. (...) Combien de cellules du corps de ma mère dans mon corps à moi? Si je faisais l'anatomie de mes goûts: combien de ses goûts faits miens, de ses goûts faits mes dégoûts, faits ma révolte, faits mon arrogance, faits mon élan pour sortir de son ventre, me défaire de ses jupes?» Karianne Trudeau Beaunoyer, Autoportrait en arrêts sur images (2021, Nota Bene)
La revue Moebius 167. «Une fourchette en équilibre dans tout ça», c'est thème plutôt ludique que nous propose le magazine Automne 2020 Bis, avec aux commandes Gabrielle Giasson-Dulude et Baron Marc-André Lévesque. La célèbre revue littéraire québécoise n’arrête pas de surprendre depuis 1977. Une fois encore, ce numéro foisonne de textes en prose et en vers, des essais, de courts récits, de l’image, du montage, de quoi stimuler votre imagination au moins jusqu’au prochain numéro! Maxime Brillon, Emmanuel Deraps, Stéphane Despatie, Audrey-Ann Gascon, Loriane Guay, Gabrielle-Ève Lane, Roxane Léouzon, Adrien Millet, Alessandra Naccarato traduite par Keltie Robertson, Camille Readman Prud’homme, Alexis Rodrigue-Lafleur, Florence Tétreault, Sayaka Araniva-Yanez et Madioula Kébé-Kamara jouent les acrobates, tentent de garder leur aplomb sur le bord d’une assiette incertaine. Éléonore Goldberg et Yara El-Ghadban achèvent leur résidence artistique après quatre numéros. Les rubriques habituelles sont également au rendez-vous, notons la lettre à une autrice, Hélène Bughin écrit à Pascale Bérubé. J’ai le plaisir d’accueillir, ce soir, à Mission encre noire, non pas deux, mais trois participantes de la revue Moebius 167, Madioula Kébé-Kamara, Yara El-Ghadban, et Hélène Bughin sont avec moi ce soir.
Extrait:« Tout à coup, un tourbillon d'images. La ville de Québec par une journée glaciale de janvier 2017. Six hommes priant paisiblement à la mosquée, tués par un jeune homme imbu de haine. Vies détruites. Manifs, hommages et regrets. Puis le constat: les musulmans de Québec n'ont pas de cimetière où enterrer leurs aimés. Des reportages à la télé. Un terrain à Saint-Apollinaire, le tollé des habitants et un référendum: un cimetière, oui ; un cimetière musulman? Non ! Dans ma bouche, un goût amer. Même morts, vous ne voulez pas de nous ? Cette terre qui gèle en hiver sera-t-elle pour toujours hostile à mon corps méditerranéen ? Ne me laissera-t-elle jamais fondre en elle, lui donner un peu de ma chaleur ? Lui léguer ma poussière, et le sel de la mer ? Fertiliser son sol ? Nourrir les racines, me glisser dans la sève de ses érables ? Les musulmans de Québec ont enfin eu un cimetière en 2019, mais ce goût âcre ne m'a plus jamais quittée.» Yara El-Ghadban, Mourir en exil (2021, Moebius 167)
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Émission du 27 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 412. Troubles, nos ombres un collectif dirigé par Jennifer Bélanger paru en 2023 aux éditions Triptyque dans la collection Queer. La colère ne se tarit pas dixit l’autrice. De l’élaboration de ce projet à l’été 2020, à son achèvement en 2022, Safia Nolin deviendra la bête noire des réseaux sociaux malgré son récit d’agressions subies de la part de Maripier Morin, la montée de la droite aux États-Unis et celles des conservatismes en général dans le monde, dès lors menace les droits fondamentaux des personnes minorisées. Les textes réunis ici par Jennifer Bélanger offre un espace sécuritaire à 11 artistes non seulement pour témoigner de l’urgence de dire les dangers qui guettent les personnes LGBTQ2IA+, mais également pour nous partager des récits de vie poignants. Qu’il s’agisse d’amitié, de rapports amoureux, de désirs, de colère, de résistance, Étienne Bergeron, Julie Bosman, Marilou Craft, Nicholas Dawson, Martine Delvaux, Sandrine Galand, Maude Lafleur, Mael Maréchal, Roxane Nadeau, Mélanie O’Bomsawin et Justina Uribe se réunissent sous l’ombre lumineuse et créatrice de Jennifer Bélanger, qui est mon invité, ce soir, à Mission encre noire.
Émission du 6 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 411. Mise en forme par Mikella Nicol paru en 2023 aux éditions Le Cheval D’août. À la suite d’une rupture amoureuse encore fraîche et de l’aménagement en catastrophe chez un ami, la narratrice se jette à corps perdu dans l’entraînement physique. Malgré que son corps deviennent de plus en plus performant, la dépression gagne du terrain, il y a toujours quelque chose qui cloche. Ce qui s’impose très vite comme la seule activité encore valable à ses yeux va devenir un sujet de réflexion tenace. Et si, en dépit des injonctions bénéfiques assénées par les vidéos de fitness, les programmes de remises en forme n’étaient que la partie émergée d’une problématique plus vaste. Pour l’autrice l’idée jaillit en croisant un inconnu malveillant dans la rue. Le lien qui unit violence et beauté ne fait plus aucun doute. Ou comment l’industrie du fitness, entre autre, confirme la main mise d'une esthétique patriarcale, coloniale et fossile, sur le discours ambiant, dixit Paul B. Preciado. On peut se demander, ici, comment un tel système, qui vise la soumission collective totale des corps, se met-il en place ? Les femmes en particulier, tels des objets inoffensifs, se doivent de collaborer, bien entendu, à leur corps défendant, à des modèles hétérosexuels astreignants. Ce livre à mi-chemin de l’essai et du récit autobiographique laisse libre court à une parole qui refuse de rentrer dans le moule. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mikella Nicol.
Émission du 23 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 410. Daniel Grenier Héroïnes et tombeaux paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Alexandra Pearson, originaire du Tennessee, lit le New York Times dans cette ville secondaire brésilienne à l’ouest de Porto Alegre : Uruguaiana. Aujourd’hui journaliste, la jeune femme qui avait cheminé aux côté de Françoise dans le roman précédent de l’auteur, part à la recherche, cent ans plus tard, d’un étrange personnage, Ambrose Bierce, auteur du Dictionnaire du diable. Il serait mort fusillé en 1915 au Mexique et réapparu, bien vivant, à des milliers de kilomètres plus loin. Pour cela, elle devra mettre la main sur un manuscrit inédit. Pendant ce temps, comme l’annonce le journal, une certaine Helen Klaben décède à l’âge de 76 ans. Autrefois, elle a fait la Une du Life magazine, le 12 avril 1963, après avoir survécu 49 jours dans le froid du Yukon suite au crash de leur avion le 3 février 1963. Étrange coïncidence, ce nom, lui semble familier. Il lui remémore un souvenir amer, celui de Françoise, cette fille à qui elle n’a fait que mentir. À l’époque elle se faisait appeler Samantha. Dans ce troisième livre qui se veut un hommage à Ernesto Sabato, l’auteur nous entraîne dans un étrange roman d’aventures dans lequel il explore une fois encore le territoire américain et il s’interroge sur la responsabilité de celui qui raconte les histoires des autres. Sur un air de Carioca, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Daniel Grenier.
Émission du 16 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 409. Exercices de joie par Louise Dupré paru en 2023 aux éditions du Noroît. Dernier fascicule du triptyque traitant des possibilités du poétique face à l’horreur et à la détresse entamé avec Plus haut que les flammes en 2010 puis La main hantée en 2016, Exercices de joie présente la poète fébrile, les côtes friables, hantée par des rêves qui la réveillent la nuit. Toutefois Louise Dupré n'abdique pas pour autant. Elle revendique le désir de se tenir debout devant un paysage en ruines quitte à s'accrocher à ses mots comme à une bouée. Car, s'il est peut-être vain de vouloir comprendre l’envers du monde quand le temps fuit entre nos doigts, pourquoi ne pas apprivoiser les douleurs, en oublier la piqûre de l’aiguille. L’écriture, telle une veine fragile qui palpite encore, se mue en écorce revêche, pour combattre en prose et en vers. Si la suie de Birkenau ou de Auschwitz la poursuit encore, si l’ombre de la main coupable du second recueil habite encore les pages, les poèmes explorent ici une autre voie, plus apaisée. Celle de la douceur, celle de la joie, que l'autrice défini comme cet instant précieux et rare ou le cœur module ses élans. Il est du devoir de la poète de donner à voir cette faible clarté bienveillante qui conduit sa main. Certes, le cercle des poètes disparus s’agrandit un peu plus chaque jour, le monde chancelle ; non, elle ne vacillera pas ; l’autrice appartient à la généalogie des femmes qui n’ont jamais renoncé. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Louise Dupré.
Émission du 2 mai 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 408. Le plein d’ordinaire par Étienne Tremblay paru en 2023 aux éditions Les Herbes Rouges. Asti qu’était belle! se dit Mathieu alors qu'il entre dans le Pétro sur le boulevard qui mène vers Longueuil, proche de l’usine Weston. Elle, c’est Val, sa future collègue que l’adolescent de Boucherville va chercher désespérément à séduire. Le futur cégépien est persuadé d’être promis à un grand destin de poète, cela sera-t-il suffisant pour elle? En attendant, il travaille de nuit dans une station-service à distance de vélo de chez lui. Une job parfaite qui lui permet de lire à sa guise, de consommer ses trois gammes de pot, de voler des cigarettes et de manger à volonté. Mathieu illustre à merveille la chronique ordinaire d’un ados de banlieue des années 2000. Une jeunesse qui se mélange, qui se passionne, qui se voit un avenir exceptionnel, qui rêve la vie en grand plutôt qu’à travers le miroir aveugle de l’écran noir d’un cellulaire. Mathieu n’a rien de différent des autres, si ce n’est l’élan que lui procure une sensibilité exacerbée et un certain goût du risque. Des excès qui fatalement se fracasseront contre le mur des réalités. Voici un roman initiatique qui relate l’aventure épisodique, très attachante, d’un jeune homme en quête de lui-même, pris au centre de son univers sensible, près à devenir un autre Mathieu, même s'il ne sait pas très bien encore à quoi cela ressemblera. J’accueille, ce soir à Mission encre noire, Étienne Tremblay.